L’amiral rouge qui coula son navire

Cette crise de 1991 était l’aboutissement du cumul des effets engendrés par les pénuries chroniques, la corruption généralisée à tous les niveaux. L’armée et la police étaient devenues forces répressives aveugles avec la DGIDE. Il y avait aussi l’avènement d’une classe très favorisée dont le train de vie outrageusement aisée tranchait avec l’état de paupérisation extrême de la population. Les membres de cette classe sont en général des personnes qui gravitaient autours de la classe au pouvoir.

Plus rouge que les rouges

Depuis le 30 décembre 1975, Madagascar avait une constitution socialiste pour la mise en œuvre de la Charte de la Révolution Socialiste Malgache décrite dans le BOKY MENA (Livre rouge) rédigé par Didier Ratsiraka, paru en aout 1975. Madagascar devenait officiellement la République Démocratique de Madagascar (RDM). Ratsiraka rêvait d’un Madagascar révolutionnaire à l’instar de l’URSS de Lénine, la Chine Populaire de Mao Tse Toung, la république populaire et démocratique de Corée (Corée du Nord) de Kim Il Sung, Cuba de Fidel Castro, la Yougoslavie du Maréchal Tito, la Libye de Mouammar Kadhafi, l’Irak de Saddam Hussein… Mais pour cela il lui fallut une guerre d’indépendance, un parti unique et une légende pour être comparable aux Staline, Mao, Castro …etc.

C’est ainsi que l’insurrection de mars 1947 du MDRM devenait la lutte révolutionnaire équivalente de la Longue Marche de Mao Zedong, la révolution de Fidel Castro, la révolution soviétique de Lénine.

Le 29 mars 1947 est pourtant la lutte des patriotes malgaches contre l’envahisseur colonialiste français. Sauf, que Ratsiraka s’est bien gardé qu’on sache que son père Albert Ratsiraka était un membre actif du PADESM qui a collaboré avec l’administration coloniale pour mater les rebelles et les partisans MDRM en 1947-1948.

Il voulait que son parti fraichement créé en mars 1976, l’AREMA, fut le parti unique de la Révolution Socialiste de Madagascar. Mais se heurta à une vive opposition les grands partis déjà bien implantés tant sur le plan idéologique que structure comme:

  • L’AKFM qui se définissait comme héritier direct du MDRM, dont le leader le Pasteur Richard Andriamanjato est un interlocuteur privilégié du Parti Communiste de l’URSS
  • Le MONIMA de Monja Jaona, figure emblématique du patriotisme malgache, disciple de Joseph Raseta le fondateur du MDRM
  • Le MFM, de Manandafy Rakotonirina, disciple de Monja Jaona et l’un des principaux acteurs de la révolution de 1972 qui a renversé TSIRANANA.

Faute de mieux, Ratsiraka imposa alors la création du Front National de la Défense de la Révolution (FNDR). Il exigea que seuls les partis qui y adhèrent ont le droit de faire de la politique à Madagascar. Il avait aussi regroupé au sein du Conseil suprême de la révolution (CSR) tous les leaders des partis politiques affiliés au FNDR avec ses courtisans. On y retrouva alors sans surprise les Andriamanjato Richard, Ratsifehera Arsène, Manandafy Rakotonirina, Monja Jaona, Razanabahiny Marojama, Rakotovao Razakaboana …

Pour compléter son profil il lui fallait une image digne des grands révolutionnaires. Ses zélateurs lui façonnèrent alors des qualités de toutes sortes, qui relèvent plus de l’imaginaire que du réel.

De l’officier de marine à l’homme d’état

On ne sait pas grand-chose concernant les véritables performances de ce nébuleux officier de marine. Beaucoup de rumeurs circulaient concernant son soi-disant QI hors du commun, sa prétendue intelligence spectaculaire et toutes sortes de choses.  Ceux-ci sont probablement plus de la flatterie de la part de ses courtisans ou des zélateurs.

L’histoire retiendra son arrivée au pouvoir grâce à la complicité du directoire militaire dirigé par le général Gilles Andriamahazo.

Le général Gabriel Ramanantsoa n’arrivant pas à résoudre la crise politique de janvier-février 1975 se résolut à démissionner. Pour sa succession, il hésitait entre ses deux de ses ministres de l’époque: Didier Ratsiraka, le ministre des Affaires étrangères et Richard Ratsimandrava, le ministre de l’Intérieur, le père du fokonolona. Beaucoup croyaient que son choix s’était déjà fixé sur Ratsiraka.

Mais pour des raisons inconnues, il décida de nommer Ratsimandrava, le 5 février 1975. La suite on la connait. Ratsiraka ne figurait pas le gouvernement de Ratsimandrava. Ce dernier connut une fin dramatique, victime d’un attentat le soir du 11 février 1975.

Un directoire militaire dirigé par le général Andriamahazo assurait l’intérim du pouvoir. Ce directoire désignait le 15 juin 1975 Didier Ratsiraka comme chef d’état et du gouvernement et président du Conseil Suprême de la Révolution. Il accéda au pouvoir sans aucune élection, tout comme le général Ramanantsoa et le colonel Ratsimandrava.

Les coups d’éclats et utopies

Didier Ratsiraka est reconnu comme étant l’homme des coups d’éclats. Il s’enorgueillit d’avoir cassé les accords de coopération franco-malgaches en 1973, d’avoir chassé la marine française basée à Antsiranana (1973), d’avoir fermé la station d’observation de la NASA à Imerintsiatosika. Il a poussé Madagascar à adopter les idéologies Marxistes-Léninistes.

Madagascar jouissait alors des avantages de la coopération avec l’URSS et ses alliés d’antan. L’armée malgache a envoyé ses officiers se former en URSS. Les “camarades” soviétiques fournissaient des équipements vétustes probablement issus de leurs stocks non utilisés à l’armée malgache. Ainsi l’armée pouvait exhiber fièrement des vieux MIG 21, des “orgues de Staline” ainsi que des canons made in USSR en plus des quelques MIG 17 cadeau de la Corée du Nord qui étaient plus des pièces de musée qu’autre chose.

Madagascar a même accueilli des conférences des plus utopiques concernant les idées du DJOUTCHE Nord-Coréen. C’était plus pour faire bonne figure auprès du “camarade Kim Il Sung, leader bien-aimé” de la République Populaire Démocratique de Corée qu’autre chose.

Didier Ratsiraka n’a pas hésité à sacrifier les relations de longue date avec le Royaume du Maroc pour être le premier chef d’état à reconnaitre la République Arabe Saharaouie Démocratique. Le roi du Maroc Mohamed V a passé son exil à Antsirabe. Il a rompu aussi les relations avec Israël et la République Sud-Africaine (rétablie à la fin de l’apartheid). Madagascar avait contribué à diffuser les émissions radio de l’ANC pendant la lutte contre l’Apartheid.

Étrangement, il avait promis aux malgaches le “Paradis Socialiste” (sic) sans qu’on sache réellement en quoi ça ne consiste ni comment y parvenir.

Ses références étaient entre-autres: L’URSS, la RPDC- Corée du Nord et son leader Kim Il Sung, Cuba et son leader Fidel Castro, Mouammar Kadhafi de la Libye, Saddam Hussein de l’Irak.

Tous azimuts

La diplomatie de Ratsiraka était celle qu’il appela la diplomatie tous azimuts. Madagascar entretenait de bonnes relations avec les pays de l’Est sous Ratsiraka. Il était fier de compter parmi ses relations les “grands” de bloc socialiste et des “Non alignés”. Le pays a pu profiter des cadeaux de ces camarades révolutionnaires. Citons entre-autres, liste non-exhaustive:

  • URSS: équipements militaires, formations militaires, bourses universitaires
  • Roumanie: bourses universitaires, autobus pour les compagnies de transport urbaines notamment FIBATA
  • Hongrie: autobus de marque Ikarus pour FIBATA (commune d’Antananarivo) et FIMA de Razakaboana
  • Cuba: bourses universitaires
  • Corée du Nord: coopération militaire comprenant la formation et encadrement de la garde présidentielle RESEP par des officiers Nord-Coréens. Les Nord-Coréens formaient les militaires du RESEP au Kuk Sool Won (Arts martiaux coréens). Il y avait aussi les fameux tracteurs inutilisables des Nord-Coréens.

Relations internationales

La gestion des relations internationales constitue l’un des points forts de Ratsiraka. Grace à lui, Madagascar put accroitre sa visibilité auprès de ses pairs africains. Il rêvait d’avoir le leadership de l’OUA mais n’a jamais abouti à la réalisation de son objectif malgré tous les lobbyings et les appuis qu’il a obtenus. Notons que Kadhafi en rêvait aussi. De plus ce dernier était leader d’un pays économiquement et militairement plus puissant.

NDLR: Ravalomanana était sur le point d’accéder à la présidence de l’OUA étant donné qu’il a obtenu que le sommet de l’OUA devait se tenir à Madagascar en 2009. Mais il fut renversé par le coup d’état de 2009.

Ratsiraka jouait aussi un rôle actif dans la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Il apportait un soutien direct à la lutte armée de l’ANC et réclamait ouvertement la libération de Nelson Mandela alors en prison. Il avait accepté d’héberger sur le territoire malgache des stations de rediffusion de la radio de l’ANC.

Ratsiraka, en tant que président de la République, a accueilli le président français François Mitterrand ainsi que d’autres présidents africains comme Siad Barre (Somalie), France Albert René (Seychelles), Mohamed Abdelaziz (république arabe sahraouie démocratique), Frederik de Klerk (Afrique du sud). 

Les Iles Éparses

S’il y a un point sur lequel les Malgaches se devraient d’être reconnaissants vis-à-vis de Ratsiraka ce serait le dossier des Iles Éparses. Ratsiraka était l’un des rares responsables malgaches à avoir entamé des actions concrètes pour réclamer la réintégration des Iles Éparses à la souveraineté malgache. Tout cela ponctué de discours pompeux dont il a le secret. Il avait lancé aussi des initiatives diplomatiques concernant ce qu’il appelait “Océan Indien, zone de paix”. Son projet intéressait entre-autres l’URSS qui y voyait une occasion pour libérer l’Océan Indien de la base américaine de Diego Garcia.

Mégalomanie

La mégalomanie de Ratsiraka le poussait à se faire remarquer sur la scène internationale. La radio Nationale s’assurait de faire une couverture le plus large possible de chaque participation de Ratsiraka à une réunion internationale quelconque. Les interventions de Ratsiraka s’inspiraient de celles de ses idoles Fidel Castro, Saddam Hussein, Kim Il Sung … Ce sont des discours fleuves qui faisaient fi du laps de temps prévu par les responsables. Ses zélateurs présentaient ces prises de parole comme étant des discours historiques.

Ainsi, la radio et la télévision nationale se devaient de rediffuser intégralement ces interventions durant toute la semaine. Elles passaient en priorité. Les responsables de la radio et de la télévision se devaient de sacrifier toutes les autres émissions. Une fois même, la radio et la télévision consacrait un reportage spécial concernant le voyage de Ratsiraka vers New York sur Concorde. Les responsables AREMA se devaient de lui organiser un “retour triomphal” à chaque fois. Évidement les conférences de presse afférentes permettaient à Ratsiraka de faire des grands étalages de savoir. C’est un exercice dans lequel il excellait.

Il en est de même pour chacune de ses sorties sur le territoire national. Les militaires de la garde présidentielle armés quadrillaient toutes les routes sur son itinéraire plusieurs heures à l’avance.

Le palais de Iavoloha illustre parfaitement la mégalomanie de l’homme. L’architecture de ce palais présente d’étranges similitudes avec celle du palais de Manjakamiadana.

Les cérémonies de présentation de vœux en début d’année constituaient pour lui des occasions de faire des discours fleuves qui étaient juste des étalages de savoir. Il s’arrangeait pour y glisser habilement des termes complexes juste pour épater la galerie. Il était intarissable sur tous les sujets: économie, géopolitique, et même les saintes écritures.

La crise économique chronique

L’ère Ratsiraka était synonyme de pénurie chronique, de corruption à l’extrême, de paupérisation sans précédente. C’est pendant la deuxième république aussi qu’on a vu apparaitre les RISORISO (c’est-à-dire une forme particulière de la corruption à tous les niveaux et de marché noirs), les phénomènes 4’MIS (enfants sans abris).

C’était la première fois que les Malgaches connurent famine et grande pénurie généralisée de riz. Il y avait des longues files d’attente que devait endurer quotidiennement le malgache normal devant son bureau de fokontany pour avoir sa part de brisure de riz.  On a noté que les sacs portaient parfois une étrange inscription “for dogs”. Parfois on rentre bredouille. En effet il arrivait que des corrompus des fokontany dissimulaient plusieurs sacs qu’ils vont revendre à prix d’or sur le trottoir d’en face après la fermeture du bureau du fokontany. Il y avait bien sûr l’office du riz pendant la colonisation mais c’était plus lié au contexte de guerre.

Les autorités se devaient de contrôler le déplacement de la population. Par exemple quand on vient visiter sa famille dans une autre région, il fallait déclarer sa date d’arrivée et de départ chez le vaomieran’ny fahadriampahalemana (comité de vigilance) du fokontany d’accueil.

Délabrement des infrastructures

La deuxième république se démarque comme étant le régime qui a provoqué le grand délabrement des infrastructures routières. On soupçonne même le régime d’avoir été complice des trafiquants et des corrompus en accélérant le délabrement des voies de communication surtout vers les zones de collectes. Des hommes d’affaires avaient dû affréter des avions pour leur déplacements tellement les routes était mauvaises. Il était inimaginable à la fin des années 70 de faire Antananarivo-Toamasina en voiture. Heureusement que les “camarades” chinois ont fini de réhabiliter la portion Moramanga-Brickaville début des années 80. Quid du financement et des couts réels?

Éléphants blancs

C’était l’époque Banque Mondiale-FMI. Madagascar ne pouvait plus se moucher sans l’autorisation écrite des institutions de Bretton Wood. Les tenants du pouvoir se vantaient d’être “des bons élèves du FMI et de la Banque Mondiale” (sic).

Ratsiraka aimait se vanter de sa politique d’investissements à outrance qui a abouti à la création de nombreuses sociétés qui n’ont jamais eu de rentabilité. Pourtant ces sociétés qui se sont avérés être des éléphants blancs ont nécessité de gros emprunts contractés au nom de la République Démocratique de Madagascar. Il est difficile d’évaluer leurs impacts réels.

Les seuls qui pouvaient se réjouir de cette période étaient les membres de la famille de la classe au pouvoir: CSR, ministres, présidents d’institutions, les dirigeants des sociétés d’état (SOLIMA, JIRAMA, SECREN, AIR MADAGASCAR, OMNIS, PORT de Toamasina, SMTM…) qui étaient les vaches à lait du régime et bien sûr les “mpanao afera” qui faisaient des affaires lucratives sur l’axe La Réunion-Madagascar. Ce n’est pas par hasard que ces grandes sociétés d’état étaient dirigées par des personnalités de l’entourage direct de Didier Ratsiraka: René Jean-Baptiste (SOLIMA), Caleb Rakotoarivelo (JIRAMA), Akhram Mohajy (SECREN), Adrien Dahy (AIR MADAGASCAR), Jean Bemananjara (SMTM), Hubert Andrianasolo puis Roland Ratsimandresy (OMNIS).

Les victimes

La deuxième république a battu le record des “accidents” mystérieux et morts d’origine douteuse. Les victimes étaient non seulement des personnes qui ont eu des divergences de vues avec lui, mais aussi des personnes issues de son entourage direct. Citons entre-autres: Colonel Joël Rakotomalala (premier ministre), colonel Alphonse Rakotonirainy, commandant Martin Rampanana, colonel Hubert Andrianasolo (OMNIS), Maro Raymond (CSR), Mampila Jaona (ministre de la Défense), colonel Jean Philippe, contre-amiral Sibon Guy, général Lucien Rakotonirainy (chef d’état major) … Il y avait aussi la mort suspecte d’autres personnes issues de la société civile.

L’époque a été marquée par des actes de violence vis-à-vis des communautés Comoriennes et Indo-Pakistanaises en 1987 (les fameuses OPK). La plus sanglante d’entre-elles a été sans doute le massacre des adeptes du Kung Fu (fin juillet 1985) qui a vu la mort de leur chef Piera-Be. Les adeptes du Kung-Fu ont mis un terme au règne de la terreur instauré par la gang des TTS à Antananarivo peu de temps auparavant.

Rolland Rabetafika aussi était devenu un général itinérant sans portefeuille, sans poste. Il était responsable des renseignements généraux du temps de Ramanantsoa et de Ratsimandrava.

Procès arbitraires

L’époque aussi était celui des arrestations sans raisons apparentes. Gaston Ramaroson a été accusé d’un complot contre Ratsiraka mais le procès n’a pas convaincu personne quant à la pertinence des accusations.

Le commandant de la gendarmerie Andriamaholison Richard a été détenu pendant de longues années avant de faire l’objet d’un simulacre de procès. Il a fallu attendre la visite de François Mitterrand à Madagascar pour qu’il retrouve la liberté. Ou plutôt Mitterrand a monnayé la libération de l’officier Saint-Cyrien, marié à une Française, par une remise de dettes de Madagascar vis-à-vis de la France. Richard Andriamaholison était un proche collaborateur de Richard Ratsimandrava.

On soupçonne Ratsiraka comme étant le fossoyeur du régime Ramanantsoa.

Il fait l’objet de fortes suspicions d’avoir été impliqué dans l’attentat qui a couté la vie à Ratsimandrava, le père du fokonolona en février 1975. Ce mystère n’a jamais été élucidé comme tous les autres attentats politiques d’ailleurs. Le simulacre de procès dirigé par le général Ramarolahy n’a jamais établi de façon claire qui étaient les responsables de cet attentat. Le nom de Didier Ratsiraka a été cité par plusieurs des prévenus pendant le procès. Mais le tribunal ne l’a jamais convoqué. Par contre, d’autres personnalités comme Philibert Tsiranana, l’ancien président de la République, André Resampa, Raphael Jacob, le colonel Roland Rabetafika ont été arrêté, amenés au tribunal, menottes aux poings!

L’entourage

L’entourage de Ratsiraka était composé de personnalités soit super-diplômés soit issues des grandes familles. Il a su s’entourer des membres des grandes familles bourgeoises Merina, pour mieux les contrôler ou les mettre à son service. On a vu dans son entourage des Rabearivelo Andriamalagasy, Ranjeva, Ramahatra, Razanamasy, Radilofe, Raharijaona, Ramanandraibe …

Les institutions

Malgré l’existence officielle des institutions définies par la constitution de la deuxième république, taillée sur mesure pour lui, nul n’ignore que c’est Ratsiraka qui décide de tout.

Il y avait d’abord le Conseil Suprême de la Révolution (CSR) qui regroupe officiellement les dirigeants des partis affiliés au Front National de la Défense de la Révolution (FNDR), et des “conseillers” tous nommés pratiquement par Ratsiraka. Ils avaient officiellement leurs bureaux à Ambohidahy et jouissaient d’avantages faramineux. Par exemple l’on remarquait que le CSR Mora Etienne, membre de la famille proche de Ratsiraka, effectuait systématiquement des “visites de travail” au port de Toamasina à chaque fois qu’il y avait un grand match de football à Toamasina. On a remarqué aussi la présence de CSR particulièrement actifs dans la défense des idéologies sur socialisme malgache et du bienfondé de la politique Ratsirakienne: un certain Andriamanjato Richard et un certain Manandafy Rakotonirina, dans un degré moindre.

L’Assemblée nationale qui était composée d’une forte majorité AREMA, ou plus précisément des opportunistes et des parachutés qui se réclament du parti. Elle a été dirigée par Andrianarahinjaka Lucien Xavier Michel, qui brillait par ses discours à intonation inaudible. Des vice-présidents représentants des province assistaient le président. C’est cette soi-disant assemblée qui a proposé, comme par hasard, que Ratsiraka passe directement du grade de capitaine de frégate à celui d’amiral, à la place de l’état-major militaire. Évidement tous les projets de loi passent sans difficulté et pratiquement sans débats.

Le gouvernement était dirigé officiellement par un premier ministre nommé par Ratsiraka. Une grande partie des ministres étaient directement nommés par Ratsiraka. Le premier ministre nomme une partie des ministres mais cette liste doit être approuvée par Ratsiraka auparavant.

Les paliers de gouvernance étaient: fokontany, firaisampokontany, fivondronampokontany et faritany. Les dirigeants sont majoritairement membres de l’AREMA. Des fonctionnaires délégués (administrateurs civils) les assistent. Ampy Portos, le fidèle ministre de l’Intérieur agissait en véritable chef d’orchestre et faisait marcher tout ce beau monde au pas. Il monopolisait la Radio Nationale chaque soir avec son émission “Toro-làlana ho an’ny vondrom-bahoaka itsinjaram-pahefana” reconnaissable par le fameux générique “ô ry vahoaka e!” et animée par Elie Ramiadason.

La censure

La censure était présente partout. Il n’y avait aucune liberté d’expression. Le DAIEC s’assurait de la bonne marche de la propagande. Le ministère de l’information qui avait Ramambazafy Armand comme secrétaire général, contrôlait et censurait pratiquement tout. Ainsi les services de la censure pré-visionnent et découpent les films au préalable. Les pauvres spectateurs n’avaient droit qu’à des séquences découpées.  Il était fréquent de voir à l’affiche des films des studios Mosfilm du genre “Moscou, mon amour” …

Les journalistes ne pouvaient que soit reproduire les textes de l’agence Nationale TARATRA soit devaient faire corriger leurs textes avant la publication. Les quotidiens Midi Madagascar et Tribune Madagascar en faisaient les frais. Leurs éditions subissaient parfois de grands retards de livraison parce que les rédacteurs devaient corriger ce qui était jugé non-conforme par la censure dans leurs articles. Parfois les journalistes écrivaient des contenus décousus par peur de la censure. A l’époque, pratiquement personne ne savait pourquoi le mur de Berlin était tombé, ni pourquoi il y avait la guerre en Afghanistan.

Le ministère verrouillait le radio et la télévision. Les prétendus journalistes ne faisaient que lire les textes qu’on leur donnait pendant les journaux radio télévisés. Il fallait être AREMA pour pouvoir faire y carrière. C’est ainsi que des personnes qui n’avaient aucune qualification faisaient apparition à la TVM et à la RNM.

Éducation et culture

Le régime imposait la malgachisation dans le système éducatif malgache. Tous les cours dans le primaire et le secondaire furent exclusivement en malgache. La majorité des Malgaches surtout les jeunes ne pouvaient plus s’exprimer dans aucune langue étrangère. Une bonne majorité des éducateurs avaient du mal à s’exprimer en français. Avec la censure très sévère au niveau de l’audio visuel, le résultat fut catastrophique: carence de culture généralisée à tous les niveaux pour la nation malgache.

Cependant, certains établissements secondaires et universitaires ont pu profiter des prestations d’enseignants français grâce à la coopération française. Certaines universités profitaient aussi de cette coopération française. Elles profitaient aussi de contingents de coopérants issus de l’URSS et de certains pays comme le Viêt-Nam.

Du pain et des jeux

Ratsiraka s’est inspiré apparemment de cette fameuse stratégie romaine dans sa manière de gouverner. Il se servait habilement du football le sport le plus populaire de l’Ile pour contrôler la population. Lui-même ancien du collège Saint-Michel était un bon joueur de football. Les gens de l’époque se souviennent qu’il y avait comme par hasard des matchs de football intéressants à chaque fois qu’une grogne populaire est en gestation. La Télévision Nationale diffusait en direct les grands matchs comme la Coupe du Monde, les matchs importants des coupes d’Europe. A partir de 1982, les amoureux du foot pouvaient suivre le Mundial en couleur.

NDLR. La télévision émettait en noir et blanc et émettait quelques heures en soirée. Elle ne couvrait que quelques villes. La Radio RNM était la seule station en activité. Mais néanmoins peu nombreuses étaient les localités qui pouvaient capter en onde moyenne. Les autres devaient se contenter de capter sur ondes courtes. C’est dans les années 80 que la télévision émettait en couleur et a considérablement augmenté sa couverture grâce aux nouveau réseaux utilisant des faisceaux hertziens.

Sous Ratsiraka les équipes Malgaches comme l’AC Sotema, Fortior Mahajanga, AS Saint-Michel, Dynamo de FIMA avaient de bonnes performances. Le football Malgache bénéficiait aussi des services de l’allemand Peter Schnittger grâce à la coopération allemande. Grace à Schnittger, l’équipe nationale baptisée “Club M” pouvait rivaliser avec l’Égypte de Mahmoud El Khatib ou du Cameroun de Roger Milla et de Théophile Abega.

Les réalisations

Coté réalisations, il y a entre-autres, les centrales hydro-électrique d’Andekaleka et de Namorona, la nationalisation des pétrolières sous la bannière SOLIMA, des banques et des compagnies d’assurance, la modernisation de la flotte de la SOLIMA, la modernisation des chemins de fer. La ligne Antananarivo-Toamasina utilisait des rames composées de wagons modernes avec une flotte de locomotives de la série BB de ALSTHOM. Elle était performante à tel point que le train de voyageurs rivalisait carrément avec le transport routier en termes de célérité.

Air Madagascar était fière de l’acquisition d’un Boeing 747 combi neuf “Tolom-piavotana” (révolution) en 1979. Mais ce pauvre B747 connut toute sorte de mésaventures pour le moins inusitées. Des créanciers l’ont saisi à plusieurs pour cause de non-paiements au grand désespoir d’Air Madagascar.

Madagascar doit l’expansion des universités malgaches à Ratsiraka. Les 5 chefs lieux de province ont reçu chacun un centre universitaire grâce au ministre des travaux publics Victor Ramahatra. En revanche il y a toute une nuance entre bâtir et faire fonctionner. Mais ceci est une autre histoire.

Les télécoms aussi connurent un début de modernisation. Grace à la coopération japonaise, un réseau de faisceau hertzien permettait de relier entre-autres Antananarivo, Fianarantsoa, le Sud-Est jusqu’à Taolagnaro, une partie du Grand-Sud. Ceci aida à augmenter la couverture de la télévision nationale, à l’amélioration de la réception des émissions de la radio ainsi que les liaisons téléphoniques.

Il y a aussi la réfection de certains axes routiers comme la RN2 (Antananarivo-Toamasina), certaines portions de la RN7 …

Sous Ratsiraka les équipes Malgaches comme l’AC Sotema, Fortior Mahajanga, AS Saint-Michel, Dynamo de FIMA avaient de bonnes performances. Il est lui-même ancien du collège Saint-Michel et était un bon joueur de football. Le football Malgache bénéficiait aussi des services de l’allemand Peter Schnittger grâce à la coopération allemande. Grace à Schnittger, l’équipe nationale baptisée “Club M” pouvait rivaliser avec l’Égypte de Mahmoud El Khatib ou du Cameroun de Roger Milla et de Théophile Abega.

Libéralisation, du moins en apparence

Contraint par les circonstances et les bailleurs de fonds, Ratsiraka se devait de mettre en place une libéralisation et une démocratie effective.Le régime adoucissait la censure. De nouvelles chaines privées de radio et de télévision firent leur apparition grâce a la libéralisation du secteur télécom. Les auditeurs malgaches purent recevoir en mode FM par exemple RFI. Les téléspectateurs purent suivre des émissions des autres chaines étrangères en plus de celles des chaines nationales.

Mais Madagascar tombait en chute libre vers le bas dans le classement mondial des pays par rapport aux richesses.