Albert Zafy
Zafy Albert, cardiologue de métier était l’un des rares véritables opposants à Ratsiraka à cette époque. Il s’est fait connaitre dans le monde de la politique malgache grâce à sa nomination dans le cabinet du général Gabriel Ramanantsoa comme ministre de la Santé avec Didier Ratsiraka (affaires étrangères) et Richard Ratsimandrava (intérieur). Après la démission du général Ramanantsoa, on n’a plus trop entendu parler de Zafy Albert jusqu’au début de l’ère Ratsiraka. Il avait été parmi les rares à faire la propagande du non au référendum proposé par Ratsiraka en 1975 avec Emmanuel Rakotovahiny. S’il a la réputation d’être efficace dans la pratique de la chirurgie, en revanche ses performances en tant que politicien sont moyens. Il est reconnu comme étant obstiné, imperméable aux conseils des tierces personnes y compris ceux de son entourage direct.
Malgré sa rigueur Zafy a étonné par sa naïveté sur le plan politique. De plus il commettait des erreurs qui lui ont couté très cher par la suite. Il s’est laissé embarquer dans les affaires de Financement Parallèle par Andriamanjato. Ensuite, il se querellait ouvertement avec les représentants des bailleurs de fonds. Ce qui amena l’Union Européenne à clôturer avant terme le programme du Fonds Européen de Développement en cours au début 1995. Il a fallu tout le talent de Francisque Ravony, alors premier ministre et ministre des Finances pour que l’Union Européenne décide du financement d’un nouveau programme cette même année.
Zafy a fait revenir la liberté d’expression et instauré les premiers jalons d’une vraie démocratie.
Il a étonné plus d’un en déclarant qu’il “n’a pas de programme politique” mais qu’il va juste se conformer à ce qui a été convenu lors des conférences nationales.
Il a refait exactement par exemple les mêmes erreurs que Ratsiraka en succombant au népotisme, probablement sous l’influence de son entourage.
Peut-être a-t-il péché par excès. Peut-être a-t-il pris trop au sérieux les démagogies de son entourage au point de ne plus être en mesure de faire un bon discernement et d’en prendre des décisions rationnelles. Il a préféré passer son temps à régler des petits problèmes de fokontany au cours de ses innombrables “Mada Raid” plutôt que de se consacrer aux grands dossiers, qui sied à un président de la république. Ce qui lui a valu d’être renversé par ceux-là même qui l’ont porté au pouvoir, au bout de trois années à peine. Ce qui a favorisé le retour au pouvoir de Ratsiraka, trois ans après avoir été débouté du pouvoir.
Richard Andriamanjato
Doté d’une éloquence déconcertante, capable de tenir en haleine une assistance durant des heures durant, maniant habilement la notoriété afférente à ses fonctions de pasteur protestant il excellait dans l’art de la démagogie et de la manipulation. Il a réussi à convaincre les Antananariviens pendant plus de trois décennies qu’un pasteur, théologien, pouvait être à la fois être principal officiant dans la paroisse d’Ambohitantely et artisan du communisme, principal interlocuteur du Parti Communiste Soviétique à Madagascar. Les idéologies du communisme se basent sur l’athéisme.
NDLR L’AKFM était un parti d’obédience communiste proche du Parti Communiste Français à sa création en 1958 par Andriamanjato Richard et Francis Sautron maire de Diego Suarez.
Il était l’ardent défenseur des idéologies de la Deuxième République, dont la politique s’appuyait sur la Charte de la Révolution Socialiste Malgache consignée dans le fameux Boky Mena (livre rouge). Il était aussi membre du CSR avec Arsène Ratsifehera entre-autres pour le quota de l’AKFM-KDRSM.
Andriamanjato Richard avait la réputation de pouvoir faire et défaire les régimes. Les habiletés verbales du pasteur ont largement contribué à stabiliser le régime Ratsiraka. Il se présentait comme étant l’interlocuteur privilégié du Kremlin et du Parti Communiste de l’URSS. Grace à ces relations que le régime Ratsiraka obtenait de larges faveurs des “frères communistes” de l’Est, principalement de l’URSS.
Mais entre-temps, avec l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l’URSS en 1985, la chute du mur de Berlin en 1989 le rusé pasteur comprit que le vent a tourné et qu’il fallait se repositionner autrement. A la suite d’une divergence de vue avec les dirigeants de son propre parti, il convoque la population d’Antananarivo dont il était député pour annoncer la création de son nouveau part l’AKFM-Fanavaozana (le renouveau). Un journaliste lui a posé ouvertement la question: “êtes-vous parmi les pro-régimes ou parmi les opposants?”. Il a noyé la question en répondant par un long discours qui a duré de longues minutes. Mais l’homme a évité de donner une réponse claire à la question. Cette conférence était en fait une longue litanie sans queue ni tête, ponctuée d’acclamations de la part d’une assistance qui buvait littéralement ce qu’il disait.
L’énigme durait jusqu’au jour où le pasteur décidait d’apparaitre dans les meetings des opposants dirigés par le 4M avec Manandafy entre-autres aux 67ha. C’est à ce moment-là qu’il lançait son fameux “Tsy maintsy arodana ny mandan’i Jericho” (faisant allusion à l’épisode où Josué et les Hébreux ont fait tomber les murs de Jéricho), qui est devenu le slogan des Herivelona par la suite.
Il est à l’origine des scandales des fameux “Financements Parallèles”.
Manandafy Rakotonirina
Ce technocrate est issu de l’aile gauche du MONIMA de Monja Jaona. Mais à la suite de dissidences avec Monja Jaona il décide de créer son propre parti le MFM au mois de décembre 1972.
Ce parti se nommait “Mpitolona ho amin’ny Fanjakana ny Madinika” (Trad. Parti pour le pouvoir prolétarien) à sa création. Il est devenu “Mpitolona ho an’ny Fandrosoan’i Madagasikara” (Trad. Parti pour le progrès de Madagascar) en 1988.
Ses détracteurs aiment bien le présenter comme étant un spécialiste du rotaka. Il faisait ses premières marques lors des évènements de 1972. Il est à l’origine de l’idéologie “fanjakan’ny madinika” (NDLR le pouvoir prolétarien). Manandafy faisait l’objet de plusieurs arrestations dans les années 70. Son parti a été interdit par Ratsiraka et Manandafy emprisonné. Les gens de l’époque se souviennent certainement des graffitis “avoahy Manandafy” (libérez Manandafy) qui tapissaient les murs des grandes villes.
Si au début de l’ère Ratsiraka, Manandafy était un farouche opposant, il s’est rallié au régime en 1977 en acceptant d’intégrer son parti le MFM dans le Front National de la Défense de la Révolution (FNDR), la plateforme que Ratsiraka a imposée et au sein duquel tous les partis politiques devaient exercer. Cette adhésion a valu à Manandafy un prestigieux poste au sein du Conseil Suprême de la Révolution (CSR).
Notons qu’il voulut quand même intégrer son parti au FNDR mais se heurta au veto de Monja Jaona.
À la suite du soi-disant libéralisme économique et politique des années 80, Manandafy et le MFM décidèrent de reprendre le chemin de l’opposition. Manandafy Rakotonirina, Germain Rakotonirainy et quelques personnes étaient alors les seuls à oser s’afficher comme étant des opposants au régime.
Si Manandafy avait une certaine facilité à concevoir des brillantes théories, en avance sur son temps, il avait en revanche de la peine à imposer ses idées. Pire même, il s’est laissé supplanter par Andriamanjato au sein de la plateforme d’opposition qu’il a lui-même créée.
Par suite de divergences de vues au sein des Herivelona, Manandafy avec se lieutenants Germain Rakotonirainy, Constant Raveloson décidèrent de créer une nouvelle plateforme Hervelona Rabearivelo lors des évènements de 1991.
Lors de le Convention de sortie de crise, Manandafy Rakotonirina co-présidait avec Andriamanjato Richard le Comité pour le redressement économique et social qui remplaçait l’Assemblée nationale suspendue par la convention.
Jean Rakotoharison
“Voaibe” alias Jean Rakotoharison avait la réputation d’être un militaire de carrière qui a gravi tous les échelons jusqu’au grade de général. Reconnu par ses pairs comme étant une référence en matière de professionnalisme et de rigueur il a exercé en tant que chef de l’état major militaire pendant plusieurs années.
Cependant on peut lui reprocher d’être naïf, au point de se laisser manipuler par Zafy et Andriamanjato de telle sorte que ces deux complices d’antan se sont servis de lui comme bouclier vis-à-vis de l’armée.
En effet, par peur de Ratsiraka qui avait le contrôle complet de l’armée, les dirigeants du 13 mai avaient jugé plus prudent de faire porter le titre de “chef d’état” du gouvernement insurrectionnel du 13 mai par Voaibe, qui jouissait d’une grande notoriété au sein de l’armée plutôt que de Zafy.
Il n’a fait l’objet d’aucune nomination par la suite. Il est sans doute l’un des grands perdants dans cette lutte.
Francisque Ravony
Cet avocat d’affaire, avec la particularité d’avoir été les conseils de Ratsiraka était sans doute l’une des grandes têtes pensantes de ce mouvement populaire. Il était l’un des principaux leaders du parti MFM avec Manandafy, Germain Rakotonirainy, Constant Raveloson.
Son petit air de bourgeois, sa façon de rouler les “R” quand il parle, et surtout sont franc-parler déconcertant lui valu la sympathie des partisans de la place du 13 Mai.
Pressenti pour être le chef des Herivelona mais le hasard des circonstances a désigné Albert Zafy à sa place. Il était fils de Jules Ravony, ancien président du Sénat du temps de Tsiranana.
Il avait toujours étonné ses interlocuteurs en disant tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et sans aucun détour. Grace à lui, les manifestants découvraient un peu plus au fil des jours les facettes de la vraie personnalité de Didier Ratsiraka.
Il est fort probable que les habiletés et la personnalité de cet avocat énigmatique y sont pour beaucoup de choses dans l’aboutissement de ce mouvement populaire.
L’histoire retiendra qu’il a réussi à se faire désigner comme premier Premier Ministre de la Troisième République par l’Assemblée nationale alors que son parti, le CSDDM n’avait que deux députés: lui-même et Richard Andriamaholison.
Sa notoriété a joué en faveur de Madagascar auprès de ses partenaires étrangers dans les différentes négociations et accords de coopération. Ainsi Francisque Ravony a pu limiter les dégâts grâce à ses talents de négociation, quand Zafy Albert, sur de simples coups de tête, décida de se mettre à dos les grands bailleurs de fonds comme l’Union Européenne et la Banque Mondiale, alors que l’économie était à l’agonie. Pire encore, dans un geste d’une étonnante bassesse, Zafy l’a dénigré en public, dans un interminable discours radio-télévisé. Puis après, Zafy s’est arrangé pour faire modifier la toute nouvelle constitution rien que pour se débarrasser de Francisque RAVONY. Ce qui a précipité sa chute, six mois après.
Désiré Rakotoarijaona
Désiré Rakotoarijaona alors commandant de la gendarmerie faisait partie des membres du Directoire Militaire du General Gilles Andriamahazo qui assura l’intérim du gouvernement après l’assassinat du Colonel Ratsimandrava.
Il fut premier ministre de Ratsiraka de 1977 à 1988. On le soupçonne de faire partie des créateurs des TTS (Tanora Tonga Saina), longtemps regroupés au camp Pochard et auteurs de basses besognes (rotaka, casses, vols à la tire, braquage, cambriolages, divers actes de violence…) commanditées par le régime Ratsiraka en vue de terroriser la population d’Antananarivo.
Il surprit tout le monde avec un coup d’éclat en 1991 quand il a claqué la porte à l’AREMA et prendre le micro sur la place du 13 mai quelques jours après, en désignant Ratsiraka comme étant à l’origine de tous les maux que subissent les Malgaches.
Désiré Rakotoarijaona est un orateur de talent au même titre qu’Andriamanjato. Il était l’un des plus grands orateurs de la place du 13 mai.
Constant Raveloson
Fidèle du MFM. Il se distinguait de ses pairs par le ton posé de sa voix, son discours dont le contenu allie animation et réalisme. C’est lui qui prenait le micro en général pour apaiser la foule quand il y a trop de tension. On le voyait animer et motiver les manifestants avec son mégaphone lors des marches. Il assurait aussi une bonne partie de l’animation pour faire patienter la foule lors des prises de ministères par exemple.
Autres leaders
Le mouvement avait aussi d’autres leaders. Faute de pouvoir les nommer de façon exhaustive citons entre-autres:
- Latimer Rangers le reporter de la Radio Nationale, très proche de Monja Jaona qui avait choisi de se rallier à Ratsiraka entre-temps
- Alain Ramaroson dont sa station radio FM “Radio Feon’ny Vahoaka” était un support important dans les communications des mpitolona
- Daniel Ramaromisa surnommé “Rambo” qui jouait un rôle important dans l’aspect organisation de la sécurité,
- Des modérés comme Perle Rasoloarijao,
- Les ex-Pisodia comme Ratafika, Marson Evariste, Jean-Jacques Rakotoniaina, Rakotovao Martin …
Le mouvement pouvait compter aussi sur les leaders religieux qui ouvraient les meetings quotidiens par des séances de prières œcuméniques.
Autres animateurs du 13 mai
Plusieurs animateurs se sont succédé inlassablement chaque jour depuis le matin chaque jour sur la place du 13 mai. Ils ont dû faire preuve de beaucoup d’imagination, d’ingéniosité pour maintenir la foule qui grossissait de jour en jour.
On ne pourra pas faire de liste exhaustive mais on va citer quelques-uns: Liva, l’humoriste Dezy, l’artiste Victor Solo, les chanteurs Gaby du groupe Jeneraly, Fafah du groupe Mahaleo et Tselonina. Les artistes s’y produisaient plus par conviction qu’autre chose. Les prestations étaient gratuites avec une sono très sommaire.
On pourra citer aussi des apparitions pour le moins inusitées comme celle de Ra-Vince le présentateur vedette de la météo à la TVM à l’époque.
Un grand absent
L’une des déceptions de ce mouvement c’était Monja Jaona le charismatique leader du Monima, disciple de Joseph Raseta (leader du MDRM), patriote qui s’est particulièrement illustré lors de la lutte pour la libération de 1947, opposant à Ratsiraka, élu député d’Antananarivo. Il a décidé de se rallier à Ratsiraka. C’est lui qui a fourni la milice Antandroy présente aux cotés de la garde présidentielle à Iavoloha lors des évènements sanglants du 10 aout 1991.
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