Un chemin de fer au forceps et mort-né

Le transport ferroviaire Malgache n’a jamais pu être rentable. Le réseau construit au début de la colonisation française traverse des zones sans grand intérêt économique. L’État Malgache n’a jamais été en mesure de trouver une stratégie pour le remettre sur rail.

Au commencement était Gallieni

Gallieni alors nommé gouverneur général de Madagascar par l’État Français décida de créer une ligne de chemin de fer reliant Antananarivo à la mer la plus proche, à savoir l’Océan Indien conformément à ce qui a été convenu lors de la décision d’annexer Madagascar. Il était convaincu de rôle “civilisateur” du chemin de fer selon les spécialistes comme Jean Fremigacci. Mais Gallieni et ses successeurs se sont heurtés à des problèmes financiers dans leurs projets de construction de ligne de chemin de fer: devis mal faits, lourdeur administrative au niveau du processus d’emprunt étant donné que les ressources locales de la colonie étaient largement insuffisantes pour financer les projets. Ce qui faisait que les tracés ont dû être constamment modifiés afin de respecter le budget disponible. Les longueurs sans cesse raccourcies ont fait que les tracés définitifs traversent des zones sans intérêts économiques.

Pour illustrer les défis des responsables de la colonie selon Fremigacci, le tracé idéal pour la ligne Antananarivo Cote Est (TCE) aurait passé par les plaines du Mangoro et de l’Alaotra et se terminer à Ivondro.  Mais la longueur aurait été de 500km au total. La construction débuta en 1901. Mais Gallieni n’a pu inaugurer en 1904 qu’une portion de 120km reliant Brickaville à Fanovana (A l’est de la réserve d’Andasibe). Ce n’est qu’en 1909 que la ligne arrivait à rejoindre Antananarivo sous le mandat de son successeur Augagneur. Mais la celle-ci n’aboutissait sur aucun port. Il fallait encore faire des choix drastiques et des lourds compromis. Les contraintes financières décidèrent pour les colons. Finalement le chemin de fer passe par un banc de sable d’une centaine de kilomètres sans aucun intérêt économique jusqu’à Toamasina qu’Augagneur considérait pourtant comme étant “erreur économique” selon Jean Fremigacci.

Lignes existantes

A l’heure actuelle voici les lignes de chemin de fer malgaches existantes dans leur état actuel. Certains tronçons parmi les 893 km ne sont plus fonctionnels.

  • Antananarivo-Toamasina (TCE): 376 km
  • Antananarivo-Antsirabe (TA): 158 km + Antsirabe-Vinaninkarena: 10 km env.
  • Moramanga-Ambatondrazaka (MLA): 167 km + Ambatondrazaka-Andriamena: 19 km
  • Fianarantsoa-Manakara (FCE): 163 km

Tentatives de modernisation

Selon un document de la Banque Mondiale datant de 1974, une jonction de 180 km environ aurait été envisagée pour connecter Antsirabe (TA) à Fianarantsoa (FCE). Mais le gouvernement de l’époque ne l’avait pas jugée prioritaire.

Durant la colonisation et durant la Première République, les chemins de fer étaient gérés par une régie autonome. L’infrastructure routière peu développée permit aux chemins de fer d’avoir une certaine rentabilité malgré le fait les tracés ne traversent que des zones à faible potentiel économique.

Une première vague de modernisation eut lieu début des années 60. A partir de 1965 la compagnie de chemin de fer utilisa exclusivement des locomotives diesel.

Un rapport de la Banque Mondiale révèle que le nombre de déraillements a augmenté de façon significative depuis 1967 à cause du vieillissement des voies créées au début du siècle.

Au début des années 70, le gouvernement Malgache en partenariat avec la Banque Mondiale envisagea de réhabiliter les infrastructures et de moderniser le matériel roulant.

En 1973, un projet de 9 millions de USD à l’époque fut conclu avec la Banque Mondiale afin de de réhabiliter les infrastructures et de moderniser le matériel roulant. Il s’agissait de:

  • Renouveler les rails et remplacer des traverses sur une portion de 60 km entre Andasibe-Lohariandava.
  • Acquérir 50 wagons de marchandise.
  • Acquérir 20 voitures passagères pour remplacer les 26 wagons passagers qui avaient plus de 46 ans à l’époque et qui étaient jugées en très mauvais état.

Mais comme dans beaucoup de projet, les estimations ne correspondaient pas aux prix pratiqués sur le marché. L’enveloppe a permis uniquement d’acquérir 35 wagons de marchandise sur les 50 envisagés et uniquement 5 voitures passagers sur les 20 envisagées. Une aide de la Caisse Centrale de Coopération Économique Française (CCCE) a permis l’acquisition de 15 voitures supplémentaires.

Problème de gestion au niveau des responsables Malgaches

La Banque Mondiale avait déjà souligné dans ce rapport de 1974 le manque de personnel ayant l’expertise nécessaire dans le domaine du transport ferroviaire. Ce à quoi aucun des gouvernements qui se sont succédé n’a jamais solutionné de façon efficace.

La Banque Mondiale avait aussi émis des réserves quant à la pérennité de la compagnie de chemin de fer. En effet, la compagnie ferroviaire fonctionnait en tant que “Régie autonome” jouissant d’une certaine autonomie en termes de gestion jusqu’en 1965. Depuis, elle est rattachée directement à un ministère (ministère des Travaux publics de l’époque) et fonctionnait comme un simple département au sein d’un ministère. Elle est devenue entreprise publique le 8 décembre 1973.

La Banque Mondiale avait prévu que la réhabilitation de la route entre Antananarivo et Toamasina (fonctionnelle début années 80) aurait des impacts significatifs sur les performances du trafic ferroviaire et que la compagnie de chemin de fer perdrait une part significative de ses parts de marché. Jusqu’au début des années 80, la Banque Mondiale estimait pour le chemin de fer un trafic de 680.000 tonnes de marchandise par an et 1 million de passagers par an.

Aucun parmi tous les gouvernements Malgaches qui se sont succédé depuis l’indépendance n’a jamais réussi à trouver une stratégie innovante pour rentabiliser le réseau de chemin de fer. Pire, il a été cédé à une compagnie privée étrangère qui n’a jamais réussi à remettre sur les rails le réseau.