Historique
A la fin de l’annexion de Madagascar, le gouvernement français émit un décret qui déclara la mise sous tutelle des territoires appelées Madagascar et dépendances comprenant l’Ile de Madagascar et ses satellites naturels Nosy-Be, Sainte-Marie, Bassas da India, Juan de Nova, Glorieuses et l’archipel des Comores. Mais curieusement dans cette liste de dépendances figurent des terres qui sont très éloignées de la Grande Ile: Terre Adélie, Ile Amsterdam, Iles Crozet, Iles Kerguelen, Ile Saint-Paul qui se trouvent à plus de 3.300 km des cotes malgaches.
L’inclusion de l’archipel des Comores dans la liste semble assez logique compte-tenu de la proximité des peuples malgaches (surtout les Sakalava) et des Comoriens. L’ile de Mohéli a été gouvernée par un Malgache (Hova) Ramanetaka et Mayotte a été gouvernée par Andriantsoly (famille princière Sakalava); Les Malgaches plus âgés se souviennent sans doute que le Président Tsiranana a toujours déclaré que les Comoriens forment la 19ème tribu malgache. Cependant l’inclusion des autres ilots ne semble pas logique étant donné qu’ils n’ont pratiquement aucun lien de quelque nature que ce soit avec Madagascar.
Toujours de Gaulle et la Françafrique
De retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle mit en œuvre une politique dont l’objectif fut de remettre la France dans la catégorie des superpuissances au même titre que les USA, le Royaume Uni et l’URSS. Il considéra que ces ilots eurent une importance stratégique de par leur situation géographique même parce qu’ils sont situés sur une importante voie maritime. De ce fait contrôler ces ilots revient à la possibilité d’exercer le contrôle de cet important trafic maritime. De même, il vit dans ces ilots des endroits idéaux pour effectuer les essais nucléaires. Donc dans sa vision, il fut hors de question que les Malgaches reprennent leur contrôle. Avec le Décret n°60-555 du 1er avril 1960 détachant les Iles Éparses de Madagascar il mit les dirigeants malgaches devant le fait accompli juste avant la proclamation officielle de l’indépendance de Madagascar.
Cette action de de Gaulle est condamnée par les Nations Unies dans la Résolution 1495 (XV) AG ONU du 15 décembre 1960 qui stipule que “Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies.”
Sur Wikipédia, un des contributeurs cite une référence à une note en date du 3 juillet 1961 que de Gaulle aurait envoyée à Jacques Focart: “Je mets en garde le Quai d’Orsay pour n’importe quelle emprise de Madagascar sur les îles et îlots français avoisinants. Cela ne se justifie d’aucune manière et risque d’entraîner des inconvénients. Les îles et îlots peuvent revêtir pour nous une importance réelle, notamment en ce qui concerne nos expériences atomiques. Je n’approuve donc pas qu’on introduise Madagascar en quoi que ce soit qui se passe dans ces îles, notamment en ce qui concerne la météo “. (Référence non recoupée)
Jacques Focart est le “cerveau” du fameux système Françafrique.
Détachement illégal
Cette action de de Gaulle est tout simplement illégal et a été effectuée au mépris total des droits internationaux et des Nations Unies.
Cet article dans “Le Droit de l’Océan Indien en un clic” estime que “L’excision des îles Éparses de la République de Madagascar est illogique” et “L’excision des îles Éparses de la République de Madagascar est illicite”. Ce site est l’œuvre de juristes experts en droits internationaux.
Voici les mesures des distances approximatives de ces iles à partir des cotes Malgaches données par Google Earth:
- Iles Glorieuses 175 km (95 miles)
- Juan de Nova 140 km (75 miles)
- Europa 300 km (161 miles)
- Bassas da India 380 km (205 miles)
A part Bassas da India, les trois autres se trouvent dans les limites des 200 miles marins telles que définies par le droit international.
Attitude méprisante de la République Française.
La France continue son emprise sur ces iles éparses en dépit des résolutions des Assemblées Générales des Nations Unies en décembre 1979 et en décembre 1980.
Pour éviter tout risque de déformation, voici les copier-coller d’extraits de ces résolutions qu’on peut consulter ici: Reference: https://www.un.org/french/documents/ga/res/34/fres34.shtml
Résolution 34/91 du 12 décembre 1979
” … 3- Invite le Gouvernement Français à entamer sans plus tarder des négociations avec le Gouvernement Malgache en vue de la réintégration des iles précitées, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar.
4- Demande au Gouvernement français de rapporter les mesures portant atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de Madagascar et de s’abstenir de prendre d’autres qui auraient le même effet et pourraient affecter la recherche d’une solution juste au présent différend. …”
Résolution 35/123 du 11 décembre 1980
“…. Notant avec regrets que les négociations envisagées dans sa résolution 34/91 du 12 décembre 1979 n’ont pas été engagées ….
Engage le Gouvernement Français à entamer d’urgence avec le Gouvernement Malgache les négociations prévues dans la résolution 34/91 en vue de trouver à la question une solution conforme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies … “
Laxisme et complicité passive des dirigeants malgaches.
Les gouvernants malgaches des années 70 étaient actifs dans les revendications concernant la rétrocession des iles éparses. En revanche on n’en a plus entendu parler à partir de 1980. Des tentatives de reprise des revendications ont été entamées par le gouvernement malgache des années 2000. Mais des indiscrétions ont laissé savoir que les Français faisaient des pressions afin que celles-ci ne figurent pas dans les ordres du jour des Assemblées Générales des Nations unies.
A la surprise générale, le président Hery Rajaonarimampianina proposa à François Hollande une cogestion des iles éparses en septembre 2014 selon RFI
Ce qui a créé une véritable onde de choc auprès des Malgaches. Le président malgache essaya de calmer le jeu en incluant un semblant de revendication des iles éparses dans son discours lors du 71ème Assemblée Générale des Nations Unies le 22 septembre 2016 à New York.
Le président Malgache Andry Rajoelina a effectué quelques tentatives de relancer les revendications territoriales Malgaches, notamment lors d’une rencontre avec le président Français Emmanuel Macron en mai 2019. Mais quelques mois après, ce dernier effectue une visite sur les Iles Glorieuses et déclare “ici c’est la France”. Cela ne pourrait être plus clair. Depuis, il n’y a plus d’avancée notable dans ce dossier bien que le président Andry Rajoelina a encore réitéré les revendications Malgaches lors de l’Assemblée Générale de l’ONU en septembre 2022.
Quelle chance pour les Malgaches?
L’Ambassadeur de la France à Madagascar Véronique Vouland-Aneini a déclaré sans détour à sa prise de fonction en octobre 2015 que “Les îles éparses appartiennent à la France” (sic).
L’U.S. Geological Survey’s (USGS) – World Petroleum Resources Project dans ses études estiment qu’il y aurait possiblement une réserve de 6 à 12 milliards de barils de pétrole dans la zone entre les cotes du Mozambique et Madagascar en plus d’énormes gisements de gaz. Les iles de de Juan de Nova, Bassas da India et Europa se trouvent dans cette zone. Par ailleurs le Canal du Mozambique devient une voie maritime de plus en plus importante et on prédit qu’elle sera de la même importance que la Mer du Nord.
En ces temps où la consommation de pétrole est rendue à son apogée et que les gisements “faciles” d’extraction sont en voie d’être taris, la découverte de ces immenses gisements sont une manne pour la France dont la dépendance au pétrole est importante. Il est capital pour la France d’avoir le contrôle exclusif de ces importants gisements pétrolifères et gaziers. De plus, 30% du trafic mondial des navires pétroliers transitent par le Canal du Mozambique.
C’est par ailleurs pour assurer son approvisionnement énergétique que de Gaulle a créé la Françafrique. C’est le système qui a permis à la France l’accès aux ressources pétrolifères du Continent Noir avec la complicité des dirigeants “dociles” comme Omar Bongo (Gabon) et Denis Sassou Nguesso (Congo).
Avec les agressions de l’Irak et celles de la Libye qui se solda par l’assassinat pur et simple de Kadhafi, le monde découvre que les grandes puissances se servent des Nations Unies quand l’organisation sert leurs intérêts. Cependant elles l’ignorent quand elle ne va pas dans le sens de leurs intérêts.
Le message des Français est clair vis-à-vis des Malgaches: kalachnikovs rouillés et chars d’assauts pièces de musée contre Rafales et porte-avion?
La guerre en Ukraine a fait ressortir à quel point les pays de l’Europe et de l’Occident non producteurs de pétrole sont fragiles du fait de leur dépendance énergétique vis-à-vis de pays tiers. Certains pays ont renoncé à fermer leurs centrales à charbon et centrales nucléaires malgré les impacts du réchauffement climatique. La France ne va pas certainement renoncer à ces territoires si riches en ressources énergétiques.