N.B. Cet article a été publié sur gasy.tanety.com en octobre 2018
“Si un coup d’état c’est de prendre le pouvoir hors de la procédure normale et constitutionnelle oui bien sûr, c’est un coup d’état.”. Nicolas Sarkozy – à propos du renversement de Marc Ravalomanana.
Un coup d’état consiste à renverser le régime en place de façon illégale, en s’appuyant sur usant de la force.
Quand le renversement est opéré par des militaires contre un régime légal en place, cela s’appelle un putsch.
Un coup d’état pour instaurer la démocratie?
Quelles que soient ses motivations, un coup d’état ou un putsch constitue un crime.
Prétextant mettre fin à la “dictature” de Ravalomanana et d’instaurer une véritable démocratie, Andry Rajoelina commet un putsch et dissout par la force le parlement (un collège d’élus). Donc prétexter mettre en place une démocratie en commettant la pire des actes anti-démocratiques?
On ne peut pas instaurer une démocratie par un coup d’état. On ne peut pas non plus affirmer que le peuple est avec vous sous prétexte que vous avez pu rameuter quelques milliers de personnes dans un endroit. Le pouvoir appartient au peuple comme aiment bien dire les acteurs du putsch. Mais le peuple donne le pouvoir à travers une élection et non pas par l’usage de kalachnikov rouillés.
En allant sur Wikipédia, on a trouvé ce passage: “La technique de base du coup d’état consiste à s’emparer des organes centraux de l’État ou à les neutraliser, en occupant leurs lieux de fonctionnement qui sont aussi les lieux symboliques du pouvoir. C’est ainsi que procéda Napoléon Bonaparte, lors de son coup d’état du 18 brumaire. Disposant de l’appui de l’armée, il lui fallait contrôler le pouvoir civil.”
La façon dont Andry Rajoelina a opéré en 2009 correspond tout à fait à ses définitions.
En effet:
- On a pris les ministères en forçant les portes, puis installer de force le “ministre” le tout appuyé par un long cortège de partisans qu’on fait passer pour le “vahoaka”. Ceci afin de donner une apparence de légitimité pouvant justifier l’action.
- Il y avait aussi la mutinerie de certains militaires. La principale raison de leur mécontentement était que Ravalomanana ne voulait plus procéder aux avancements automatiques basés uniquement sur l’ancienneté auxquels l’armée était habituée. Ce mécontentement a été par la suite récupéré par Rajoelina qui déclara plus tard sur le 13 mai que dorénavant c’était lui qui commandait l’armée.
- On amène les partisans investir un Palais Présidentiel de façon délibérée sachant pertinemment que les forces de l’ordre et les gardes avaient le devoir de le protéger à tout prix – dans la logique même de leur mission.
- Ensuite on attaque les Palais Présidentiels avec des militaires appuyés par des blindés, probablement avec l’objectif de capturer le président en exercice si l’on juge aux propos de Sarkozy: “… je mets en garde le nouveau pouvoir sur l’intégrité physique de l’ancien président …”.
Un coup d’état légal “à la malgache”
En poursuivant la lecture de notre article Wikipédia, le prochain paragraphe parle de “Régularisation”. Mais il y avait un hic. Le Président a sorti une ordonnance transférant le pouvoir à un directoire militaire présidé par les plus hauts gradés de l’armée. Ce qui constitue une infraction à la constitution alors en vigueur qui prévoyait plutôt un transfert de facto au président du Senat en cas de défaillance ou d’indisponibilité du président en exercice.
On est tous témoins de la façon très brutale dont les mutins ont forcé le transfert de pouvoir à Andry Rajoelina au Capsat. Les vidéos sont disponibles sur Internet et elles sont faciles à trouver.
Questionné à ce sujet lors de sa fameuse conférence à Science Po Paris, Andry Rajoelina déclare que cette prise de pouvoir est légale puisque validée par la HCC.
Ce qui corrobore le constat de Jean-Éric Rakotoarisoa alors membre du SEFAFI à l’époque interrogé à ce sujet par le journal français l’Express. Selon lui il s’agissait d’un “coup d’État à la malgache, avec son habillage légal. La Constitution ne prévoit pas le transfert, opéré pour l’occasion, du président contesté vers un ‘directoire militaire’, puis de ce directoire à la figure de proue de l’opposition. On a assisté à un mélange de soulèvement populaire et de mutinerie.”
Par la suite on suspend le parlement.
On ne va pas s’étaler dans les détails que tout le monde connait déjà.
On soulignera tout simplement les aspects regrettables de ces évènements.
Les intellectuels complices
On a été quelque peu surpris de constater que la majeure partie de l’intelligentsia Malgache appuyait de façon directe ou indirecte les actions d’Andry Rajoelina pour des raisons assez discutables – en tous cas elles ne nous ont pas convaincu. Certes, il y avait des décisions de Ravalomanana qui étaient discutables. A cela s’ajoute la médiocrité de l’équipe de communication de Ravalomanana qui n’arrivait même pas à faire valoir des réalisations concrètes du président dont certains relèvent presque de l’exploit. On pourra citer par exemple, l’absence d’émeutes de la faim à Madagascar. Notons que cette crise avait embrasé beaucoup de pays pauvres partout dans le monde, y compris les pays économiquement assez stables comme le Kenya. En revanche ce qui est surprenant c’est que même les intellos ne pouvaient même plus faire preuve de discernement mais s’abreuvaient littéralement des litanies démagogiques de Rajoelina qui maitrise parfaitement l’art de communiquer aussi bien verbal que visuel.
“Mais ce qui, à meilleur droit, peut surprendre, c’est que le coup d’État ait pu trouver des juges enclins à l’indulgence, et même des admirateurs, non-seulement dans la partie du peuple la moins instruite, la plus aisée à abuser, la plus disposée à se passionner pour tout ce qui a les apparences de la force, mais encore dans des classes plus élevées, à qui l’on était certainement fondé à supposer un esprit plus clairvoyant, un sens plus droit et plus ferme.” (Charles Dunoyer)